Indemnisation du conducteur victime
Le droit à l’indemnisation du conducteur victime : impacts & appréciation de la faute
Le principe énoncé à l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation est clair :
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. »
La jurisprudence est venue compléter ce principe notamment un arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2006, selon lequel :
« Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis, sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu’il appartient alors au juge d’apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l’indemnisation ou de l’exclure ».
Pourtant au quotidien plusieurs questions relatives à ces dispositions peuvent se poser.
Qui doit être considéré comme conducteur ? Quel type de faute peut être prise en considération ? Y a-t-il encore limitation ou risque d’exclusion de l’indemnisation ?
Dans un récent dossier suivi par le Cabinet, le Tribunal de Grande Instance d’AMIENS est venu préciser dans un jugement important les contours de ces différentes questions.
En l’espèce, les faits étaient les suivants :
Trois véhicules étaient impliqués dans un accident de la circulation, à la sortie d’un village de la Somme : « A » était en tête, « B » le suivait et « C » fermait la marche.
En pareil cas, la jurisprudence considère que le conducteur est celui qui a la maitrise du véhicule ; ce principe est important dans la mesure où l’appréciation de la faute et de son impact se révèle différente si la victime est conductrice ou « non conductrice ».
Plus précisément, seule la faute inexcusable est opposable à la victime non conductrice qui bénéficie donc d’un sort très protecteur.
Ici le véhicule « C » a initié une manœuvre de dépassement des deux véhicules le devançant.
A l’occasion de cette manœuvre, le véhicule « B » en a fait de même et a percuté, à deux reprises, le véhicule « C ».
« C » a fini dans le fossé ; gravement accidentée, la conductrice a été hélitreuillée au Centre Hospitalier d’AMIENS.
Ce dossier a connu des expertises judiciaires médicales qui ont permis de déterminer l’évaluation qu’il fallait faire des différents préjudices subis.
Il a fallu passer au stade de la liquidation dont le Tribunal de Grande Instance a donc été saisi.
Les discussions se sont instaurées sur les responsabilités des uns et des autres.
« B » a invoqué avoir entamé sa manœuvre de dépassement lorsque « C » en aurait fait de même.
Sur une supposée troisième voie…
Cette version était contestée par la conductrice du véhicule « C ».
Pour autant, le conducteur du véhicule « B » a soutenu, devant le TGI d’AMIENS, que tout était de la faute de la conductrice du véhicule « C », le comportement de l’intéressée devant exclure son indemnisation.
Il faut savoir juridiquement que la notion de faute s’apprécie indépendamment du comportement des autres conducteurs éventuellement impliqués.
Il y a donc eu un débat qui, outre celui des préjudices imputables et de leur liquidation au regard des conclusions de l’expertise médicale, s’est fait sur la preuve de la faute de la victime et de son impact sur l’indemnisation (plus clairement, la faute de la conductrice du véhicule « C » gravement blessée, et son impact sur le préjudice devant être réparé).
Le TGI d’AMIENS a considéré que les propos allégués par le conducteur du véhicule « B » n’étaient pas plus démontrés que probables compte-tenu des circonstances et de la configuration des lieux.
Il a été ce faisant estimé que parce que les circonstances de l’accident étaient indéterminées, la victime, même conductrice, avait droit à une indemnisation totale de son préjudice.
Le TGI d’AMIENS a fait une application explicite du principe selon lequel il y a droit à indemnisation, même pour la victime fautive lorsque les circonstances de l’accident sont indéterminées, sans même retenir de faute ni de limitation de l’indemnisation sollicitée.
Il faut retenir que si la faute du conducteur peut entrainer une réduction proportionnelle de son indemnisation, c’est encore à la condition que celui qui invoque la faute de l’autre puisse la prouver.
C’est à l’heure actuelle la position du TGI d’AMIENS dont l’heureuse politique, qu’il faut souligner, est donc de favoriser a maxima les indemnisations.
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