Prochaine réforme du divorce : billet d'humeur
Une de plus…
Encore une qui manifestement ne prend pas en considération les réalités du terrain judiciaire et les aspirations et des justiciables et de leurs conseils.
Encore une qui n’aura pas attendu que la précédente ait été mise en place et porté ses effets.
La loi de programmation du 23 mars 2019 va modifier en profondeur l’actuelle procédure de divorce.
Nous n’en sommes qu’à une ébauche mais on sait que les principales mesures entreront en vigueur en septembre 2020 normalement au plus tard.
Normalement…
Parmi les dispositions notables on retiendra la disparition de la phase de conciliation.
Jusque-là les procédures de divorces autres que par consentement mutuel, connaissaient deux stades : la conciliation qui suivait la requête en divorce puis l’instance qui faisait suite à l’ordonnance de non-conciliation et qui trouvait sa concrétisation dans l’assignation en divorce.
Nous n’aurons désormais plus qu’une phase unique qui débutera par l’introduction d’une demande (article 22 de la loi du 23 mars 2019).
Évidemment, lorsqu’on connaît la durée des procédures judiciaires, l’idée même fricote avec l’absurde.
Parce qu’il faut bien, en matière de divorce, qu’il y ait très vite une décision tranchant les mesures dites « provisoires », plus communément, les dispositions ayant vocation à s’appliquer pendant la durée de l’instance (généralement plusieurs mois et souvent plusieurs années).
Le fait de supprimer la phase de conciliation ne résoudra aucun des problèmes a priori pris en considération pour les modifications qui vont intervenir.
A telle enseigne que les mesures provisoires normalement tranchées au stade de la conciliation, devront de toute façon l’être et que le législateur a déjà prévu un cadre pour les prendre en charge.
Il est question d’une sorte d’audience dédiée qui se tiendra systématiquement sauf si les parties y renoncent… !
En d’autres termes, il y aura bien une conciliation qui n’en prendra en pratique que le nom puisqu’on sait statistiquement que les réconciliations étaient depuis des décennies, tout à fait marginales et que l’audience de conciliation avait essentiellement pour dessein, de faire trancher les mesures provisoires par le magistrat dit « conciliateur ».
Nous aurons donc une audience identique mais par forcément obligatoire car on pourra y renoncer… (personne n’y renoncera c’est d’évidence…), à l‘occasion de laquelle le magistrat décidera des mesures nécessaires « pour assurer l’existence des époux et des enfants, de l’introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passera en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux » (futur article 254 du Code Civil).
Voilà de quoi rassurer sur une loi nouvelle qui n’en a que le nom et qui n’aura pour effet que de compliquer des choses déjà pas très simples…
Notamment avec des mesures transitoires qui vont faire se chevaucher le droit ancien et le droit nouveau et faire couler beaucoup d’encre et se prononcer de nombreux magistrats… pour… strictement rien !
Il serait grand temps que nos politiques qui veulent laisser une trace, voire un nom, pensent un peu plus à la pratique qu’à leur auguste personne…
Puisqu’il faut marquer son temps et que de toute façon les choses seront faites, on précisera tout de même pour ceux que cela intéresse vraiment… que la date des effets du divorce ne sera désormais plus la date de l’ordonnance de non-conciliation mais la date de demande en divorce (article 262-1 du code modifié).
Petit problème.
On ne sait pas encore ce qu’il faut admettre comme correspondant à la date de demande en divorce : date de l’assignation ou date du placement de l’assignation au Greffe.
Que chacun soit rassuré, nous aurons un décret d’application qui tranchera.
Et que naturellement, personne ne connaît et dont il est possible qu’il soit lui-même postérieur comme nous l’avons déjà vu, à l’entrée même en vigueur de la loi.
A part ces précisions de circonstance, il faudra également qu’on nous explique bien comment la demande en divorce devra être motivée.
Car si avec le système actuel on pouvait s’adapter après l’audience de conciliation en motivant éventuellement amiablement après que les époux se soient rencontrés devant le juge, on ne sait pas désormais quelle option il faudra choisir.
Il appartiendra à l’époux qui introduira l’instance, de dire s’il demande un divorce accepté ou pour altération du lien conjugal.
Pourvu que sa demande ait un écho.
A défaut, il devra reconclure car la possibilité de demander d’emblée un divorce pour faute lui sera interdite et ça n’est qu’à l’occasion d’un jeu de conclusions (des écritures complémentaires), qu’il aura la faculté de le faire.
Pourvu qu’il ait en face un avocat constitué car à défaut, on ne sait pas trop comment ces écritures pourront être portées à la connaissance de l’époux défendeur dans une procédure dans laquelle si l’époux demandeur se retrouvait seul, on aurait bien du mal à trancher avec un époux défendeur absent pour admettre un divorce accepté ou pour recevoir des conclusions normalement notifiées d’avocat à avocat, sur la base d’un divorce pour faute.
Une réforme de plus dont tout le monde aurait pu se passer…
Christophe WACQUET.
Membre du réseau PRIMAJURIS, réseau d'avocats indépendants choisis pour leur sérieux et répartis sur l'ensemble du territoire.