Nuisances olfactives, troubles du voisinage : le référé contre la nausée

En tant qu’occupant d’un logement, vous avez sûrement déjà été confronté à quelques désagréments sonores causés par un voisin audacieux : la tondeuse matinale, la perceuse retentissante ou encore les soirées tardives …

Mais qu’en est-il des nuisances olfactives qui entravent quotidiennement la sérénité devant régner dans votre domicile ?

La Région Hauts-de-France occupant le premier rang de la production nationale de pommes de terres1, il est courant pour ses habitants d’être incommodés par les dépôts de ces denrées possiblement à termes, en état de décomposition.

Souvent en effet, l’agriculteur souhaite stocker ces matières fermentescibles pour les utiliser comme fertilisant des sols par la suite.

Seulement, ces dépôts ont l’imperfection d’être particulièrement malodorants. Les nuisances olfactives qu’ils provoquent peuvent dégénérer en calvaire pour les voisins, les privant de gestes simples du quotidien : ouvrir les fenêtres, étendre le linge ou encore profiter du jardin…

 

odeur de pomme de terre

 

Pourtant, le Règlement Sanitaire Départemental (RSD) de la Somme prévoit en son article 158 que les dépôts de matières fermentescibles destinées à la fertilisation des sols « ne peuvent être à moins de 200 mètres de tout immeuble habité ou occupé habituellement par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public » ou « à moins de 5 m des voies publiques ».

Par ignorance de ces règles ou par négligence, (parfois même volontairement) des exploitants agricoles effectuent parfois des dépôts très proches des habitations, conduisant les occupants au calvaire décrit ci-dessus.

Mais alors, que faire si vous vous trouvez dans une telle situation et que malgré vos demandes, le dépositaire refuse de déplacer le tas de matières fermentescibles ? Pouvez-vous saisir un juge pour l’y contraindre ?

Oui, c’est possible !

Que le trouble soit volontairement causé ou non, il est parfois urgent de le faire cesser. La procédure la plus adaptée est donc celle se déroulant devant le juge des référés. Elle vous permet de faire part à ce dernier de votre situation et d’obtenir une solution rapide.

En effet, si un trouble anormal et un préjudice sont démontrés, le juge pourra ordonner au dépositaire de déplacer le dépôt litigieux afin de respecter les distances règlementaires.

Concrètement, le trouble anormal peut être caractérisé lorsqu’il y a des nuisances olfactives aux abords du domicile, et le préjudice tiendra en la perte de jouissance normale du bien par exemple.

En pratique, cette demande en référé semble être la solution la plus efficace.

Le cabinet l’a récemment fait juger…

En l’occurrence, les propriétaires d’une maison subissaient les dépôts de pommes de terre en état de putréfaction effectués par un groupement agricole sur un terrain situé à quelques mètres de leur habitation.

Le couple de propriétaires souffrait alors d’un préjudice tenant aux odeurs nauséabondes se dégageant de ce dépôt ainsi qu’à la prolifération d’insectes et de rongeurs attirés par ce dernier.

Les victimes ont d’abord demandé plusieurs fois au groupement agricole de déplacer le tas de pommes de terre en cause.

Vainement.

Ils ont alors tenté de contacter le Maire de leur Commune qui a demandé au groupement agricole de respecter la règle des 200 mètres exposée plus en avant.

Encore une fois, cette tentative de règlement amiable s’est soldée par un refus catégorique du groupement agricole.

En fonction d’un constat d’huissier relevant les nuisances olfactives et l’emplacement du tas de pommes de terre, assignation en référé était donc délivrée à l’exploitant contre lequel était demandé :

1/ la condamnation à déplacer le tas de pommes de terre sous astreinte,

2/ la condamnation  au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Par une ordonnance du 18 décembre 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Amiens faisait droit aux demandes des plaignants en condamnant le groupement agricole au déplacement du tas de pommes de terre à une distance au moins égale à 200 mètres de la propriété impactée, le tout en conformité avec le règlement sanitaire départemental applicable.

Cette injonction était assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard, ceci pour le cas où le groupement agricole ne s’exécuterait pas.

Parallèlement, les demandeurs obtenaient de substantiels   dommages et intérêts en réparation du préjudice par eux subi.

Telle est la sanction à rechercher en pareille hypothèse car il n’est pas de mauvaises odeurs qui tiennent…

 


1 – Agreste – Statistique agricole annuelle provisoire 2019

 

Membre du réseau PRIMAJURIS, réseau d'avocats indépendants choisis pour leur sérieux et répartis sur l'ensemble du territoire.

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